Dans le moment où le feu dévorait le végétal transfiguré en lumière,
Madame Okawa a choisi d’interrompre la combustion. Désormais, la forme préservée de la plante,
parée sous la lampe de reflets scintillants, est accessible aux rêves.
Gabriel Bergounioux
(linguiste, professeur des universités à Orléans)
Galerie
RE-CRÉATION
Agencer des plantes carbonisées
Il est une plante dont les graines se
dispersent sous l’effet d’un incendie de forêt:
– banksia –
Sitôt le feu éteint, ses pousses
apparaissent.
Un jour, la découverte d’une plante à demi
consumée m’a inspiré un agencement de
plantes calcinées.
Les plantes vivantes que j’ai offertes à
l’appréciation des amateurs d’ikebana ou
arrangées à mon usage, je ne les jette pas
mais je les carbonise et les réagence dans
une nouvelle présentation.
Une série nature [La robe des anges est sans couture]*
Cette série est confectionnée en exploitant des fibres récupérées artisanalement à partir de cocons impropres à la fabrication de fils de soie fins. Née dans une famille de soyeux, je retrouve, avec cette série de réalisations plastiques, mes origines.
* Ce proverbe japonais n’est pas sans rappeler cette phrase : « Considérez les lis, comment ils croissent : ils ne travaillent ni ne filent ; cependant je vous dis que même Salomon, dans toute sa gloire, n’était pas vêtu comme l’un d’eux. » (Évangile selon Saint Luc 12 : 27-28)
Profil
OKAWA Shunsetsu
La gracieuse silhouette de ma grand-mère disposant des fleurs s’est gravée dans mon esprit. C’est de là que mon engagement dans l’ikebana a puisé son inspiration. Mon maître TESHIGAHARA Hiroshi préconisait toujours de « partir à la recherche de son propre matériau ». Alors que je m’appliquais à l’apprentissage de l’ikebana en ayant en tête cette recommandation, j’ai découvert en pleine nature australienne des banksia. J’ai pu observer la façon dont la plante avait été carbonisée lors d’un incendie. Envoûtée par le prodige accompli par la nature, j’y ai découvert des nuances de noir dont l’existence dans le monde des plantes me semblait impossible. Depuis lors, je me suis lancé dans l’agencement de « plantes carbonisées ». Quand on s’astreint à écouter la voix des plantes, avant de leur offrir une expression dans notre règne, la personne et la plante – vive ou carbonisée, peu importe – se prêtent assistance. Les plantes que j’ai agencées vivantes, je ne les jetterai pas. Je les expose à la flamme et leur transmutation prélude à une re-création en même temps qu’à la quête que je poursuis d’un univers singulier.